samedi 21 avril 2012

Antilles (10). Iguane.

La finca d'Andréas est à quelques kilomètres du bourg dans les lomas. On y accède par un chemin de terre large mais abrupt, raviné par les pluies, en pleine nature. La vue est magnifique sur la mer.
Je n'ai pas trop fait le guide touristique jusque là, mais je ne résiste pas à vous faire partager quelques photos...
 Il y a aussi une piscine naturelle. L'eau y est douce et surtout fraîche, fraîche...

Et puis un jardin exceptionnel.
J'y suis invitée un soir par l'intermédiaire de Claudia. Nous ne sommes pas très nombreux, c'est assez joyeux, simple et convivial, autour d'un barbecue. La terrasse est en ciment blanchi, les meubles de bric et de broc. Deux gros chiens pacifiques sentent affreusement le chien. Dans la grande cuisine foutraque, il y a sa "alma de casa", son "âme de maison",  sa "gouvernante" dominicaine qui mange avec son homme et ses enfants. Derrière la maison, il y a un poulailler. L'ambiance n'a rien à voir avec celle des villas, des résidences gardiennées, bien meublées à la mode "contemporaine-tropicale" en vogue chez la plupart de mes connaissances. Très vite les guitares sortent de leurs étuis. Andréas et Claudia sont des fans amateurs de bossa-nova et de musique brésilienne. Claudia a une jolie voix et leur duo est parfois invité à différentes soirées...
On devient vite assez proches avec Andréas.
Il a environ 40 ans. Il vit seul à ce moment là, mais sa vie est sans doute plus compliquée qu'il ne le laisse paraître. Il a quelqu'un je crois à la capitale. Sa femme, espagnole,  l'a quitté et est retournée vivre en Espagne avec ses deux enfants adolescents. Sa fille aînée qui doit avoir 16 ou 17 ans ne rêve que de revenir habiter avec son père. Ses enfants lui manquent, mais peut-être pas tant que ça ? Il semble relativement résigné à la situation et de toutes façons sa vie est ici. Il est inadaptable à L'Europe où il n'a guère vécu. Il est dans son biotope.
Il a toujours des problèmes de fric, car il doit en envoyer en Espagne et son salaire, sans doute élevé pour le poste qu'il occupe à Santo-Domingo, ne vaut pas grand-chose en Euros.
Ce n'est pas vraiment un business man... Plutôt un rêveur utopique qui court après le temps pour faire tout ce qu'il aime : traquer les petites bêtes pour ses recherches d'entomologie, exploiter la finca, jouer de la bossa-nova, faire la fête...
Il s'est installé là à la fin des années 80 et est l'héritier de l'esprit des débuts de la découverte de Las Terrenas. Il a acheté 30 ha de terrain pour faire de l'agriculture biologique (c'est un allemand tout de même!). Il cultive les fleurs tropicales qu'il vend aux touristes ou qu'il expédie par avion de part le monde, fabrique des yaourts bio et veut faire de son royaume un parc, un modèle d'écologie et de conservation de la flore et de la faune. A l'époque où sa femme vivait ici, c'était plus facile de concilier tout cela, même si lui passait la semaine dans son labo à 4 bonnes heures de route. Mais sans doute en a-t-elle eu assez de jouer les fermières des Tropiques en plus d'être une femme de marin... Il est aussi jardinier/paysagiste et glane les contrats d'entretien des jardins des villas et résidences acquises par les européens. S'il est obligé de déployer une activité assez frénétique pour s'en sortir, il ne se départit jamais de son flegme et de son hospitalité.

Je vais souvent chez lui le week-end et il m'emmène dans sa tournée des jardins. On se baigne à poil dans les piscines à débordement des villas somptueuses vides de leurs occupants et on l'impression de jouer aux 400 coups.  

Claudia et lui m'embauchent dans leur duos pour faire "tchikitchi" avec un petit maracas en forme d'oeuf. On répète et je sais aujourd'hui que maintenir le bon rythme tout au long de "The girl from Ipanema", c'est une certaine forme d'abnégation, voire de retraite spirituelle et des crampes à l'avant-bras. 

Il me parle de ses recherches. Il combat une chenille parasite arrivée en Amérique Centrale par bateau depuis l'Indonésie avec des cargaisons de bois exotiques (un comble) et qui détruit le manioc, culture vivrière vitale pour les dominicains,  faute d'être éliminée, sa prolifération régulée par un prédateur endémique. Il travaille à l'importation d'abeilles qui mangeraient la chenille avec toutes les incertitudes que cela peut provoquer sur la chaîne alimentaire, si l'abeille se développait un peu trop à son tour...  alors qu'il serait peut-être plus simple pour le gouvernement dominicain d'en appeler à Monsanto. Il m'explique toute la fragilité des écosystèmes rendus perméables à cause de la mondialisation et de la circulation des biens de part le monde. Ce dont à l'époque je n'avais à peu près aucune idée.

Nous ne sommes pas attirés l'un par l'autre. C'est assez reposant... 

Un jour, je me balade dans la propriété, nez au vent et dans les hautes herbes, je perçois un mouvement. Je m'approche et manque m'évanouir en voyant un iguane, une grosse bête d'environ 1,50m, camouflé par sa couleur gris/vert. Il me regarde sombrement. Je ne bouge plus. Je suis à quelques centaines de mètres de la maison et je suis paralysée de peur. Je me mets à crier très fort. Je l'appelle. Personne n'arrive. L'iguane fait un pas lourd dans ma direction. J'ai l'impression d'être dans Jurassic Park. Je bondis, je fais demi-tour, je cours à perdre haleine jusqu'à la maison, je crie encore. Enfin Andréas m'entend. J'en perds mes mots. Il finit par comprendre et éclate de rire. C'est un iguane qu'il a recueilli, soigné et remis en liberté. Ce n'est pas la première fois. Il m'en montre un autre dans une des cages du poulailler, tout maigre, tout gris. Sa peau ridée pend lamentablement. Il n'en est que plus laid. Les iguanes sont fragiles et très sensibles à l'urbanisation. Alors quand il en trouve un mal en point ou blessé, il le recueille. Ce sont de braves bêtes... Certains en font même leur animal de compagnie. J'en étais sûre. Pas pire qu'une vache en fait.

6 commentaires:

  1. Marieh2o, je suis comme toi, j'ai toujours difficilement supporté toutes ces petites bêtes : insectes volants, scorpions, iguanes ... L 'Afrique en regorge, et j'étais bien heureuse d'avoir mon mari avec moi pour me venir en aide lorsque je me retrouvais en tête à tête avec elles...

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    1. Faut bien que les hommes servent à quelque chose! :)

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  2. "pas pire qu'une vache".... la vache ! brrrr ;)

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    1. Rire! Les vaches m'ont toujours impressionnée aussi! Pourtant, c'est comme les iguanes, de braves bêtes!

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  3. Je ne serais pas rassuré non plus face à un animal inconnu assez gros, mais je crois que je ferais face sans bouger en le regardant dans les yeux, comme j'ai fait face à des chiens aboyant méchamment après moi.

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